Dans le cadre du cours d’introduction au génie chimique,
j’ai eu la chance d’entretenir une entrevue avec M. Michaël
Mardini, ingénieur sénior chez Aramis Biotechnologies à
Québec. Son cheminement professionnel comporte également des
emplois chez Pharmasciences, Laporte et GSK. Ci-bas suivent
les questions posées ainsi que les réponses de M. Mardini.
Expériences professionnelles
Formation de l’ingénieur
Où avez-vous réalisé vos études postsecondaires?
M. Mardini a suivi un parcours classique, obtenant un DEC en sciences de la nature au CÉGEP de St-Lawrence, à Québec, et un baccalauréat en génie chimique à l’Université Laval.
Durant ses études universitaires, il ne fit pas de stages, mais il travaillait au cœur d’une usine, sur le plancher, durant les dernières années de son baccalauréat.
Qu’est-ce qui vous a porté à poursuivre au baccalauréat en génie chimique?
Pour M. Mardini, l’attrait principal de l’ingénieur chimiste est son rôle central, car le procédé est la pièce la plus importante de toute usine, selon lui.
Un ingénieur chimiste a la chance d’avoir une vue globale, ce qui est assez rare pour les autres corps de métier.
La polyvalence de cette formation est le point le plus attrayant pour lui.
Pendant ou juste après votre baccalauréat, quelles étaient vos ambitions?
Tel qu’énoncé plus haut, M. Mardini avait un emploi sur le plancher d’une usine, durant son baccalauréat;
il voulait se diriger vers la gestion, comme directeur d’usine. Au terme de ses études, il croyait avoir une bonne personnalité pour la gestion et l’administration, car il avait entre autres fait partie de plusieurs comités et associations universitaires.
Cependant, il vint à la conclusion que le travail technique était ce qu’il préférait.
Son opinion est maintenant tel qu’il préfère être un spécialiste technique qu’un patron, parce que le travail technique est plus concret et ses labeurs ont des conséquences plus concrètes sur les projets.
Cheminement professionnel
Qu’avez-vous apprécié de travailler dans une firme de génie? Qu’est-ce qui vous a déplu? Est-ce que vous y retourneriez?
Pour M. Mardini, ce qui est le plus intéressant du travail en firme est l’aspect technique du travail, avec des tâches semblables à celles enseignées à l’école.
Il appréciait le fait de faire des plans et devis, et prétends qu’apposer son sceau est l’une des meilleures parties, car cela apporte un poids à son travail.
Il dit que c’est un emploi plus classique en ingénierie, celui auquel il pense en premier lorsqu’il pense à ce domaine. Cependant, il a décidé de quitter ce milieu parce qu’il se trouvait trop loin des opérations à son gout;
c’est beaucoup plus de temps passé au bureau, à observer les procédés déjà en place et à parler au client.
De plus, les journées lui semblaient parfois longues, car c’est un ouvrage assez répétitif.
Finalement, il aime mieux travailler pour une compagnie, retourner travailler pour une firme de génie ne le dérangerait pas.
Pourquoi avez-vous choisi de travailler pour une PME en tant que seul ingénieur chimiste?
Pour M. Mardini, un des plus grands atouts du travail chez Aramis est qu’il est responsable de plusieurs choses, tant au niveau de la production, du développement, que de l’ingénierie.
En bref c’est un immense rôle qui lui permet de se changer les idées, où deux journées ne sont jamais pareilles et où les projets avancent à grande allure.
De plus, dans une entreprise de cette taille, les décisions qu’il prend ont un bien plus grand impact et l’ingénieur est libre de douter et de repenser certains aspects.
M. Mardini dit avoir plus de liberté quant à l’exercice de son métier comparativement à son ancien emploi chez GSK, où tous les gestes qu’il devait poser suivaient un protocole précis.
Par ailleurs, puisque Aramis opère déjà une usine de petite taille, il a également une tâche de supervision de celle-ci.
À son avis, une PME est donc un milieu parfait où l’ingénieur chimiste a une grande responsabilité, tout en ayant droit de sortir des chemins battus, et ce, en ne perdant pas le contact avec le procédé.
Cependant, selon M. Mardini, Aramis devrait avoir une plus grande équipe d’ingénierie, environ 2 à 3 personnes, mais ceci n’est pas envisageable pour l’instant, puisque leurs vaccins ne sont pas sur le marché, et conséquemment aucun revenu.
Avez-vous un but pour votre carrière? Que pensez-vous faire au terme de la construction de la nouvelle usine d’Aramis?
L’horizon n’est pas encore clair pour M. Mardini, mais il aimerait demeurer chez Aramis au terme de la construction de l’usine.
Il croit en leur procédé et veut voir fleurir l’usine qu’il a aidé à concevoir.
Quelques choix s’offrent à lui, notamment l’option de devenir un des ingénieurs chimistes assurant l’opération et l’optimisation du nouveau procédé, ou bien de voyager pour aider à mettre en opération le procédé d’Aramis ailleurs dans le monde (voir la prochaine question sur les buts d’Aramis).
Il est optimiste pour le futur et aura certainement le choix de son poste.
L’entreprise
Quel est le but de l’entreprise? Qu’est-ce qui distingue votre produit des autres vaccins?
Aramis Biotechnologie, entreprise biomédicale québécoise fondée en 2023*, a pour but de créer des vaccins à base de plantes.
Présentement, ils développent un vaccin contre la grippe saisonnière, mais leur technologie peut être adaptée pour d’autres applications.
Ce qui les distingue des vaccins à base d’œufs est la rapidité de développement, les couts plus faibles et l’efficacité du vaccin.
Une fois le vaccin approuvé et les souches de grippe connue pour l’année, ils croient pouvoir être les premiers sur le marché à avoir le vaccin.
Puisque c’est à base de plantes, les couts sont moindres, car, une fois qu’elles sont plantées et préparées, elles poussent presque toutes seules.
Comparativement aux vaccins à base d’œufs, qui utilisent presque un œuf par dose de vaccin, c’est très rentable.
Finalement, puisque les protéines produites par leur technologie imitent plus réalistement un virus, le vaccin est plus efficace.
En plus, leur vaccin est administrable aux patients ayant une allergie aux œufs.
Somme toute, un tel vaccin semble trop beau pour être vrai, mais c’est le fruit de plus de vingt ans de recherche.
Il a fait ses preuves en 2022 lorsqu’il a été approuvé contre la COVID-19, et est présentement en phase préclinique.
Le but d’Aramis est donc de prouver la supériorité de leur technologie pour ensuite se faire acheter par une plus grande compagnie qui aura le capital pour étendre leurs opérations à l’international.
*Aramis fut fondée à la suite de la dissolution de la compagnie biomédicale Médicago, et hérita ainsi de la technologie, les brevets, les bureaux à Québec et plusieurs employés de Médicago.
M. Mardini travaillait chez Médicago depuis 2019 et a gardé son emploi.
Quel est le rôle d’un génie chimique chez Aramis? Avec quelles autres professions travaillez-vous?
C’est un rôle très polyvalent, où l’ingénieur chimiste est présentement responsable de la conception de la nouvelle usine en partenariat avec une firme de génie, en plus d’être responsable de la gestion de l’usine à petite échelle fabricant les doses de test.
M. Mardini décrit dit qu’il agit en quelque sorte comme la colle qui permet le travail harmonieux des différents corps de travail au sein du projet.
Les professionnels avec lesquels il travaille sont par exemple des chimistes, des biologistes, des ingénieurs mécanique, civil et industriel, des électriciens, des fournisseurs et bien plus.
Dans le futur, il y aura des ingénieurs responsables d’opérer et d’optimiser le procédé à échelle industrielle, ainsi que des ingénieurs responsables du développement à l’international.
Quelles sont les opportunités de progression dans l’entreprise?
Tel qu’énoncé plus haut, puisque Aramis est une petite compagnie, il n’y a pas de structure définie pour la progression au sein de l’entreprise.
Cependant, plus la compagnie va grandir, plus d’opportunités se présenteront.
Il est important de se rappeler que le but de l’entreprise est d’avoir une envergure mondiale, donc que beaucoup de postes seront créés.
Autres sujets
Selon vous, quelles sont les compétences les plus importantes pour un ingénieur chimiste?
La compétence décrite par M. Mardini se résume à la curiosité.
Ce n’est pas tout à fait le fait d’être curieux, mais plutôt le fait d’aller creuser plus loin que ce qui est nécessaire, pour comprendre pourquoi et ainsi pouvoir mieux considérer le problème ou défi.
Selon lui, chercher la raison et le fonctionnement permet souvent de régler le problème à la source plutôt que d’appliquer une solution « Band-Aid ».
Ceci va main dans la main avec un autre point qu’il apporte, soit celui de toujours calculer pour vérifier, même lorsque ce n’est pas demandé par le client ou supérieur.
Selon lui, c’est une des choses les plus importantes, et il reproche à plusieurs autres ingénieurs de ne même pas faire les calculs les plus fondamentaux parce que ce ne leur est pas explicitement demandé.
Ce que j'ai apris lors de l'entrevue
Cette section est une réfelxion de ma part et non une partie de l'entrevue
Cette entrevue m’a ouvert l’œil sur beaucoup de nouveaux aspects du génie chimique, mais un a particulièrement attiré mon attention, le rôle clé que joue l’ingénieur des procédés dans une usine et à quel point les autres corps de métiers et lui sont interdépendants.
Rétroactivement, c’est évident que l’usine est essentiellement une coquille qui abrite le procédé, mais c’est tout de même surprenant.
Par exemple, l’ingénieur mécanique a besoin de l’ingénieur chimiste pour concevoir les équipements avec les bonnes spécifications, et l’ingénieur chimiste a besoin entre autres de l’ingénieur mécanique pour assurer que les équipements soient sécuritaires dans les conditions du procédé.
Pareillement, l’ingénieur civil, l’architecte, l’ingénieur électrique, les fournisseurs, l’ingénieur en mécanique du bâtiment, l’ingénieur industriel, et j’en passe.
C’est beaucoup plus de personnes que ce que j’aurais été porté à croire.
Ceci vient également avec le fait qu’un ingénieur chimiste peut donc être spécialisé en à peu près n’importe quoi, et peut occuper une panoplie de postes au sein d’une même entreprise.
D’un autre côté, l’ingénieur chimiste peut également porter plusieurs chapeaux, souvent dans de plus petites entreprises, si cela est désirable pour lui.
Je suis donc enjoué à l’idée d’avoir une multitude de choix de carrière, et de pouvoir changer de vocation au courant de celle-ci.
Encore une fois je souhaite remercier M. Michaël Mardini de m’avoir offert la chance d’entretenir une entrevue avec lui.